Les jours suivants, je goûte au repos total. Le soir, je retrouve Jacob qui est dans sa transe habituelle; il a d'innombrables théories sur un tas de sujets, il dit par exemple que le cinéma hollywoodien est à l’origine de la seconde guerre mondiale et que les vitraux de la collégiale Saint Michel et Gudule auraient généré l’antisémitisme dans notre pays, et j’en passe...
Il défend ses idées avec beaucoup d’ardeur, je le trouve encore plus beau dans ces moments-là, son regard sombre s’enflamme alors de lueurs inquiétantes. Il enregistre tout sur son magnétophone dont il ne se sépare jamais; provoquer des psychodrames est son point fort, ce qu’il aime particulièrement est de me faire l’amour pendant que je suis au téléphone avec ma soeur ou ma mère...
C’est le dernier soir que l’on passe ensemble au couvent. Jacob termine un texte qu’il doit remettre le lendemain dès son retour à Bruxelles. J’essaie de lire mais je suis distraite par des gueulantes venant d’une chambre voisine. Jacob me prie de demander à ces braves gens de la mettre en sourdine. Au bout du couloir, une porte est grande ouverte, une petite assemblée visiblement éméchée, braille à tue-tête. Me voyant apparaître une femme se lève et me dit:
-Que nous vaut cette charmante visite?
-Pourriez-vous faire un peu moins de bruit, mon ami travaille, il n’arrive pas à se concentrer avec tout ce chahut!
Je prononce ces mots sur un ton sec, et tourne les talons. Ce que j’ignore à ce moment-là, c’est que je viens de rencontrer une personne qui va jouer un rôle important dans ma vie.
Jacob pars à l’aube. J’éprouve une légère tristesse qui se dissipe rapidement, je sens que l’avenir est plein de promesses.
