dimanche 31 juillet 2011

Depuis une heure.. (114)

    Depuis une heure, nous  roulons en direction du massif montagneux, nous atteignons enfin le début du col, le brouillard devient de plus en plus dense. On ne voit presque rien du paysage, on devine des forêts à perte de vue, la route grimpe. Je n’ai aucune idée de l’altitude, j’ai aperçu quelques panneaux, mais n’ai pas pu les lire; bien que nous ne croisions aucun véhicule, il serait dangereux de s’arrêter, on ne distingue pas les accotements dans cette purée de pois. Envers et contre tout, Zer continue de rouler. J’ai les oreilles bouchées, la route n’en finit pas de monter. Je me dis que si l’on tombait en panne, on crèverait de froid, de faim ou peut-être déchiquetés par quelques animaux sauvages, pire encore, attaqués par des hommes! Je me fais mon petit scénar d’épouvante quand soudain Zer freine bloc évitant de justesse une biche, elle se fige l’espace d’un instant la tête tournée vers nous et disparaît aussitôt dans la brume. J’ai le coeur qui bat fort, j’embrasse Zer et dis:
   -T’es le meilleur, quel réflexe!
   -T’as vu ça, elle m’a regardé droit dans les yeux, me dit-il avec fierté.
  -Et si on faisait une pause? tiens, là-bas, on dirait une aire de repos, on l’aurait loupée si  cette biche n’avait pas traversé la route. 
   Zer gare la voiture sur le parking où quelques bancs et tables en bois émergent du  brouillard. A part des branches qui craquent, le bruit de l’eau qui ruisselle des amas de neige fondante le long de la route, le silence enveloppe tout. Le moindre son me semble étrange, d’instinct, on baisse la voix. Je tente un cri, un cri court et sonore, aussitôt absorbé par le silence, rien ne bouge, pas même un oiseau effrayé... A mon grand regret Zer se remet au volant coupant court à mes rêveries de femme des bois.
Nous arrivons à Portland dans l’après-midi; on s’arrête pour appeler Lena depuis une cabine, elle répond de sa voix fluette de femme-enfant. Très surprise, elle se met à rire en disant: -Quoi, vous êtes ici? C’est bien vous de venir à l’improviste, vous êtes vraiment cinglés! Lena me donne son adresse, m’explique quel chemin prendre, elle nous attend, et ajoute qu’il ne faut pas tarder, on ira ensemble chercher les enfants à la sortie de l’école dans un quart d’heure.