Nous prenons le bus à la gare routière centrale. On est la veille de shabbat, les gens reviennent du marché, c’est la cohue, tout le monde se bouscule et gueule à qui mieux mieux. On s’installe enfin, entouré de femmes caquetantes comme les poules affolées qu’elles tiennent par les pattes. De grands paniers débordants de légumes encombrent l’allée de l’autobus antédiluvien.
Après une demi-heure d’attente, on démarre enfin dans le chahut des klaxons. Le couvent se trouve dans le village d’Ein-Karem, à une vingtaine de kilomètres. Jacob m’explique que jadis c’était un orphelinat, les religieuses se sont converties en une sorte de pension de famille. En fait, il faut savoir que depuis la création de l’état d’Israël, cette partie du territoire a été annexée et vidée de ses habitants, ainsi les bonnes soeurs se sont retrouvées sans orphelins, sans ressources.
Nous traversons des banlieues de peu d’intérêt, la route monte, le moteur s’époumone, poussé à bout par une espèce de brute portant d’énormes bacchantes rousses, le bus s’arrête pour laisser descendre deux touristes au Mont Hertzel, là se trouve le Mémorial de la Shoah. Les collines de Judée s’étendent à perte de vue. La route étroite qui descend vers le village serpente dangereusement, le chauffeur fonce allègrement et fait crisser ses pneus dans les virages. Apparemment, je suis la seule à être morte de trouille; il règne une bonne humeur, une joie de vivre parmi les passagers que l’on qualifierait d’émeute dans nos pays tristes et gris. Je vois apparaître quelques maisons sur les hauteurs, et tout en bas, églises et clochers, le chauffeur moustachu arrête le moteur et crie: «Terminus, tout le monde descend»
-Passe-moi ton sac, je le porterai, le couvent est au bout de ce chemin, cinq bonnes minutes à pied, ça ira?
-T’en fais pas pour moi Jacob, je suis impatiente de voir où tu m’emmènes!
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